Des êtres d'une substance incomparable, translucide et sensible, chairs de verre follement irritables, dômes de soie flottante, couronnes hyalines, longues lanières vives toutes courues d'ondes rapides, franges et fronces qu'elles plissent, déplissent ; cependant qu'elles se retournent, se déforment, s'envolent, aussi fluide que le fluide massif qui les presse, les épouse, les soutient de toutes parts, leur fait place à la moindre inflexion et les remplace dans leur forme. Là, dans la plénitude incompressible de l'eau qui semble ne leur opposer aucune résistance, ces créatures disposent de l'idéal de la mobilité, y détendent, y ramassent leur rayonnante symétrie. Point de sol, point de solides pour ces danseuses absolues. Jamais danseuse humaine, femme échaudée, ivre de mouvement, du poison de ses forces excédées, de la présence ardente de regards chargés de désir, n'exprima l'offrande impérieuse du sexe, l'appel mimétique du besoin de prostitution, comme cette grande méduse, qui par saccades ondulatoires de son flot de jupes festonnées, qu'elle trousse et retrousse avec une étrange et impudique insistance, se transforme en songe d'Eros, et tout à coup, rejetant tous ses falbalas vibratiles, ses robes de lèvres découpées, se renverse et s'expose, furieusement ouverte.