Il n’y a pas d’autre fidélité, il n’y a pas d’autre compréhension pour l’action de nos camarades du passé, qu’une réinvention, au niveau le plus élevé, du problème de la révolution, qui a été d’autant plus arraché de la sphère des idées qu’il se pose plus lourdement dans les faits. Mais pourquoi cette réinvention paraît-elle si difficile ? Elle n’est pas difficile à partir d’une expérience de vie quotidienne libre (c’est-à-dire d’une recherche de la liberté dans la vie quotidienne). Cette question nous paraît assez concrètement ressentie aujourd’hui dans la jeunesse. Et la ressentir avec une exigence suffisante permet aussi de juger en appel, de sauver, de retrouver l’histoire perdue. Elle n’est pas difficile pour la pensée dont le rôle est de mettre en cause tout l’existant. Il suffit de n’avoir pas abandonné la philosophie — comme la quasi-totalité des philosophes —, ou de n’avoir pas abandonné l’art — comme la quasi-totalité des artistes —, ou de n’avoir pas abandonné la contestation de la réalité présente — comme la quasi-totalité des militants. Alors, ces questions s’enchaînent jusqu’au même dépassement. Ce sont seulement les spécialistes, dont le pouvoir tient avec celui d’une société de la spécialisation, qui ont abandonné la vérité critique de leurs disciplines pour garder l’usufruit positif de leur fonction. Mais toutes les recherches réelles confluent vers une totalité, comme les gens réels vont se rassembler pour tenter encore une fois de sortir de leur préhistoire.