j'ai vécu dans le décor d'une ville qui s'appelle Paris, où je reconstruisais pour moi seul telle ou telle rue de mai 1871 ou de janvier 1793. Il m'arrive encore de m'émerveiller devant la place de la Concorde, où je ne cesse de me rappeler, avec délices, que le peuple français a eu, malgré ses immenses lâchetés, l'extrême bon goût d'y guillotiner un roi serrurier et bonhomme, ainsi que sa stupide compagne. Les tableaux, les sculptures, les objets qui ne savent pas atteindre le niveau de la cheville de tels évènements historiques me semblent, si vous me passez les mots, parfaitement superfétatoires. Tout se passe comme si, à Paris, un certain héroïsme de la pensée était une faute de tact, qui embarrassait la médiocre étroitesse mentale de la majorité. Pour être plus franc avec vous, je vous confesserai que rien d'autre ne m'intéresse que de savoir ce qui va arriver demain et après-demain, à partir de très clandestines initiatives que nous avons prises, mes amis et moi, depuis quelque quatorze ou quinze années. A vrai dire, ces quinze années ont passé très vite, et nous nous retrouvons aujourd'hui, avant un nouveau départ et d'inévitables séparations, dans l'antichambre qui conduit parfois aux chapitres les plus importants d'un livre, à partir de ces pages blanches ornées d'un chiffre romain, VI ou VII, par exemple, qui indiquent le commencement d'une nouvelle "partie".