Résistance du terrain, poids accumulé des deux cent mille tombes, poids ajouté des corps au cours du remplissage des cavités souterraines, multiplié par le nombre de places à combler dans chaque tombeau, rien ne semble avoir été abandonné au hasard. Et surtout pas les milliers d'hectolitres de la lymphe cadavérique qui suinte d'abord des corps et se répand, envahit la tombe, se diffuse sous elle. Et une immense nappe souterraine d'huile de vidange progressivement devient le seul socle du cimetière sur la colline dont la courbe pleine domine la Seine. Au terme de calculs infinitésimaux de l'agence d'architecture, le poids, fut-il peu, un sac d'os, du deux cent millième trépassé dans le Grand Cimetière sera le gramme décisif qui mettra en branle l'inexorable et lente descente du cimetière dans la Seine, glissant sur son bain d'huile, de graisse, de lymphe, d'excréments, d'urines, de mucus et de larmes. Au terme des calculs de la progression de l'avalanche des tombes blanches, en une journée, le fleuve est comblé, parfaitement obstrué par les pierres, les corps, l'huile compacte et les ossements. Paris retourne à son initial état de marais, de marécages, que la Seine à nouveau alimente en se dispersant par les veinules et les artérioles des constructions éventrées par l'humidité pénétrante du fleuve détourné.