Il n'y a rien de plus horrible que de se rendre compte soudain que même vos pensées les plus secrètes ne sont pas à l'abri. La nudité totale, obscène. Plus aucune protection : le dehors terrifiant. On m'avait expulsé de chez moi, je n'avais plus nulle part où aller. Doussandre campait dans ma tête, il s'était installé sans rien dire, pour le moment il était encore discret, il marchait à pas de loup, comme un cambrioleur sur la neige, mais peut-être que bientôt, si je le laissais faire, il installerait dans mon pauvre crâne un métro ultra-moderne, un cinéma permanent, un réseau d'espionnage, une station de taxis, une centrale nucléaire, un jardin d'enfants, un avortoir, un lycée-pilote, une chambre des députés, un camp de concentration, une fabrique de préservatifs, une caserne, un asile d'aliéné, un ciné-club, une couveuse artificielle, un club de judo, une gare de triage, un aéroport, que sais-je encore, comment savoir où il s'arrêterait? Quand un homme s'installe dans votre crâne, avec armes et bagages, vous n'avez plus qu'à lui céder la place et aller vous installer ailleurs. J'ai demandé d'une voix blanche un autre verre de saint-émilion.