Je me resserre un verre que je lève bien haut et je trinque aux plaisirs bestiaux, à l’art de la clandestinité, à la pluie sur le toit et au vin rouge trop frais, au R.M.I. et à la prime chômeur de fin d’année, à l’amour et à l’amitié, à la prise de la Bastille, au jeu de la vie, au vieux joint d’herbe qui tourne et au bon cœur des proprios qu’ils ne nous expulsent pas pendant l’hiver, à la musique (pièce pour mandoline de Vivaldi), à la chaleur des corps et au désir de communauté, à la corruption et aux marchés financiers, à l’anarchie, à Paris, à Grignan, à Marseille… Et à la nuit aussi, lorsqu’elle est belle et bleutée comme ce soir et pour couronner le tout aux voitures brûlées, une centaine par nuit en France ais-je appris il y a quelques jours. Je lève mon verre à la nature qui s’alarme, à la volupté, à la poésie et aux insurrections futures, à la beauté des femmes et au droit de me contredire. Je lève mon verre bien haut, encore plus haut et je crache à la gueule de notre président et de ses amis qui ont voté pour lui. Je suis bien. Je vais me reprendre un verre. Et le bilan de tout ça n’est pas tant le fait que, levant ce second verre, je pense ce que je dis, c’est d’avantage que je le pense à nouveau, que je continue à ne pas vouloir rentrer dans le moule et à rester obstiné malgré les injonctions qui fusent. Je suis convaincu que c’est une erreur de jouer un rôle ou de vouloir s’adapter à un système erroné, et j’ai l’intention de continuer à vivre comme bon me semble. C’est le plus sûr moyen d’emmerder les Hommes ridicules qui régissent en despotes les strates gélatineuses de la vie larvaire de ce pays.