Tu voles selon...


DOULEUR. Mais mon esprit aussi est lourd et raide.
RAISON. C'est là une pesanteur plus gênante que l'autre; mais tu peux aussi la réduire, si tu t'y efforces vraiment.
DOULEUR. Oui, mais mon esprit est également obtus et paresseux!
RAISON. Tu crois donc que ton irritation et tes lamentations pourront t'aider à te défaire de cette maladie? Il y faut un remède bien différent : ne pas s'abandonner aux plaisirs du sommeil, du lit, de la table, du vin et des contes absurdes. Ne pas aller chercher de bonnes excuses auprès des flatteurs, et ne pas se laisser aller à la paresse, en rejetant la faute sur la nature; mais veiller, méditer, aspirer, espérer, se forcer, s'élever. Il faut stimuler les forces de ton âme, secouer la torpeur, chasser l'inertie, s'abstenir des plaisirs et s'astreindre à l'étude. Il n'est pas d'esprit si pesant qui ne se puisse alléger, de si raide qui ne se puisse assouplir, de si obtus qui ne se puisse affiner, de si paresseux qui ne se puisse dégourdir; enfin, il n'est pas d'esprit si profondément emmuré, enfoui, que la volonté ne puisse le mettre au jour, ni d'esprit si profondément endormi qu'elle ne puisse l'éveiller.

F.Pétrarque_Contre la bonne et la mauvaise fortune ( 74.Un esprit lourd)